Pour la majorité de nos concitoyens vivant dans l’Hexagone, certes le pire a été évité, mais gare à l’euphorie, le verre étant à moitié vide. Témoignages.
C’est avec un soulagement doublé de satisfaction que les travailleurs tunisiens en particulier, et étrangers en général, ont réagi, dimanche soir, à l’annonce des résultats du second tour des élections législatives qui ont sonné le glas de l’extrême droite qui, déstabilisée par une coalition unie et déterminée, s’est fatalement contentée de la très peu enviable troisième place, après avoir longtemps rêvé de la majorité absolue.
A l’angoisse succède l’euphorie
Quelle a été donc la réaction de nos concitoyens vivant en France ? « Je pense que le pire a été évité de justesse dans ce scrutin fou, fou », jubile Lotfi, fleuriste du Pas-de-Calais qui estime que « si Le Pen et son poulain Bardella avaient gagné, la première chose qu’ils feraient c’est renvoyer la main-d’œuvre étrangère et, peut-être même les binationaux.» Pour Ezzeddine, comptable dans une entreprise de bâtiment, « c’est dans la liesse qu’on a fêté ça, à Lyon, tout simplement parce que l’extrême droite qui, par le passé, a toujours fait pâle figure dans les rendez-vous électoraux, n’a jamais été, comme cette fois-ci, si près du but. Merci M. Mélenchon qui a été, à mon avis, le bourreau du RN.» Et notre interlocuteur d’ajouter, tout sourire: « Par moments au plus fort de notre euphorie, on a failli, nous Tunisiens et Algériens réunis autour d’une table, en venir aux mains avec des Lepenistes inconsolables qui tentaient de nous gâcher la soirée dans un restaurant. Haineux et racistes, ils sont décidément incorrigibles, même après une raclée bien méritée.»
Selim, serveur dans un bistrot de la banlieue parisienne, ne cache pas, lui non plus, sa joie. « Je peux vous affirmer, lance-t-il, que tous les Tunisiens ici sont ravis, après avoir cruellement souffert, depuis la publication des résultats du premier tour. En effet, on s’inquiétait tellement que certains parmi nous commençaient à préparer leurs valises, qui pour rentrer au bercail, qui pour aller tenter sa chance dans un autre pays. Le RN, champion de la xénophobie, est passé par là ».
Mettre le cap sur d’autres horizons
Déjà, bien avant cette montée fulgurante de l’extrême droite, les travailleurs étrangers n’étaient pas pénards France. En effet, il y a d’abord cette fameuse «loi immigration» adoptée l’année dernière, qui a considérablement durci les mesures de restriction à l’endroit des « non-Européens », notamment pour ce qui concerne le droit d’asile, le permis de séjour, l’octroi de la nationalité française et l’accès aux aides sociales et médicales.
De surcroît, toujours aucune garantie pour les sans-papiers qu’on recrute à tour de bras, mais qui ne bénéficient pas des droits pourtant légitimes. « Cela fait, murmure Karem, électricien de chantier, plus de trois ans que je travaille en France, sans pour autant obtenir mon permis de séjour, bien que mon dossier réponde à toutes les conditions, du contrat CDI aux douze fiches de paie successives, en passant par un casier judiciaire vierge ».
En désespoir de cause, dans des cas similaires, certains Tunisiens, apprend-on, ont dû tout laisser tomber pour mettre le cap sur d’autres horizons plus cléments tels que l’Allemagne, l’Espagne et les pays scandinaves où l’on fait preuve, il est vrai, de moins de fermeté vis-à-vis de la main-d’œuvre étrangère.
Respecter scrupuleusement les lois du pays d’accueil
Houssem, 48 ans, originaire de Grombalia, est ingénieur en informatique installé en Normandie. Selon lui, « l’extrême droite en France est une farce. Humiliée de la sorte au second tour, elle a démontré, pour la énième fois, qu’elle n’est pas faite pour diriger le pays. La redouter est donc un faux problème. Il ajoute, à mon sens, ce que nos compatriotes vivant ici doivent plutôt comprendre n’est pas d’ordre politique, mais d’ordre comportemental. En ce sens qu’il faut travailler tête baissée, éviter les écarts de conduite et surtout respecter scrupuleusement les lois du pays d’accueil. Ainsi, tôt ou tard, on sera récompensé, et on cessera de vivre la peur au ventre ».
Et notre ingénieur sage et pragmatique de conclure : « Maintenant que la parenthèse des élections est fermée, il va falloir désormais compter, comme l’affirment experts et observateurs avertis, avec deux incertitudes majeures et d’extrême importance, à savoir l’instabilité politique consécutive à la nouvelle configuration du parlement, et les perspectives financières pas du tout rassurantes. Deux facteurs de poids qui risqueraient d’éroder le pouvoir d’achat de tous ceux qui vivent dans ce pays, y compris et surtout les étrangers, bien sûr ».